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LES POISSONS

en aval de Québec, au bas de l’île d’Orléans, en quelques endroits de la côte Beaupré, on la pêche sous la glace, au printemps, à la ligne à main lancée en fronde, eschée de matières résistantes, de lanières de chair de bœuf ou de foie de porc. C’est un poisson vorace qui mord franchement, mais qui se laisse enlever lourdement, à la manière de la morue, sa congénère des mers, sans offrir aucune résistance.

Les Canadiens-Français de Montréal appellent improprement ce poisson la loche ; à Québec, on lui donne tantôt le nom de queue d’anguille, tantôt celui de barbue, probablement parce qu’il porte, en impériale, un barbillon à l’extrémité de son maxillaire inférieur. Il ne saurait être moins barbu que cela pourtant.

Le corps de la lotte est long — mesurant jusqu’à quatre et cinq pied, chez les plus grandes — arrondi par le milieu, s’amincissant en gagnant la queue pour s’y terminer en fer de lance. Écailles fort petites, nuancées de jaune, de brun roux sur un fond blanc et formant de gracieux dessins, quelquefois uniformément brunes sur le dos ; les jeunes sont plus vivement colorés que les vieux. On observe que les individus pêchés à de grandes profondeurs sont plus pâles que les autres.

« La ligne latérale, chez la lotte, dit Blanchard, partage pour ainsi dire chaque côté du corps en deux moitiés ; elle semble courir dans une dépression qui est souvent assez marquée. Elle est formée d’une suite de petits tuyaux membraneux.

« La tête de ce poisson est déprimée et fort large en dessus, en grande partie couverte de très petites écailles, avec les mâchoires égales et arrondies, ourlées de grosses lèvres, portant onze dents petites et d’inégale grandeur, les yeux ronds, très saillants, placés au niveau du front. L’iris est d’un vert doré. Lorsqu’on examine cette tête en dessus, il est presque impossible de ne pas lui trouver quelque chose de la physionomie du chat ou de la loutre, ce qui provient de sa forme large, et surtout de l’aspect des yeux. L’unique appendice charnu tombant de la mâchoire inférieure, contribue encore à donner à la tête de la lotte une physionomie étrange.

« Vers le tiers inférieur du corps s’élève la première nageoire dorsale, formée de douze à quatorze rayons ; celle-ci, fort petite, est suivie de la seconde dorsale, qui n’a pas moins de soixante-dix à soixante-quinze rayons. Ces nageoires, d’une hauteur très médiocre et presqu’égale dans toute leur étendue, participent de la teinte générale du corps et présentent également des taches brunes bien marquées.

« La conformation intérieure de la lotte offre beaucoup de particularités. Les vertèbres sont très épaisses ; on en compte vingt et une au tronc, portant de longues apophyses transverses qui remplacent les côtes, et pourvues de plis longitudinaux. L’intestin forme deux replis, et il y a environ trente-huit rayons à la queue. L’œsophage et l’estomac sont fort larges, et