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LA LOTTE COMMUNE

LA LOTTE COMMUNE


La Lotte commune, Gadus lota, The Burbot, Ecelpout, Birdbolt (Angleterre). — La Loche (en Canada).


De la famille des gadidés, appartenant au genre gade qui s’honore de compter dans ses rangs la morue franche et le merlan, la richesse de nos mers du nord, la lotte, faisant seule exception à tous ceux de son espèce, vit exclusivement dans les eaux douces. La petite-morue vient pondre à l’entrée de nos rivières et regagne la mer à la suite de l’opération. Le voyage a duré un mois à peine, comme un voyage de noce ordinaire. Mais la lotte naît et vit dans les eaux douces sans jamais visiter la mer non plus que les eaux saumâtres, sauf en hiver et sous les glaces, lorsque ces eaux moins brassées par les marées ont repris une certaine limpidité. Elle habite les eaux de l’Europe centrale où sa chair est très recherchée ; on la trouve en Russie, en Suède, en Angleterre, mais nulle part en Écosse et en Irlande. Au Canada, sa distribution géographique s’étend du Labrador aux montagnes Rocheuses, et du Maine à la baie d’Hudson. Elle se glisse furtivement un peu partout : cette année même (1897) on en a trouvé dans le bassin de l’aqueduc de Montréal — au cœur de la montagne — qu’on a dû vider pour boucher des voies d’eau. On l’estime ici beaucoup moins qu’en Europe pour ses qualités culinaires ; le foie seul est prisé des gourmets. Ses œufs ayant des propriétés purgatives, ne se mangent pas. Très abondante dans les grands lacs du nord et de l’ouest, elle s’y développe parfois jusqu’au poids de trente et cinquante livres ; souvent elle a été une ressource précieuse pour les aborigènes, les trappeurs et les découvreurs de ces régions.

La lotte a beaucoup des mœurs de l’anguille ; le jour, elle se cache sous des pierres ou des crônes, au milieu de racines enchevêtrées ; la nuit, elle se met en chasse de petits poissons, de grenouilles, d’écrevisses, de vers, d’insectes, de toutes bestioles vivantes ou mortes. Depuis l’ouverture du chemin de fer qui relie le lac Saint-Jean à Québec, il en vient de grandes quantités et de fort belle taille, sur le marché de cette ville, toutes provenant du grand lac. Elle peuple plusieurs lacs et rivières qui se déversent dans le lac Saint-Jean ; mais nulle part elle n’atteint d’aussi fortes proportions que dans ce lac. Sur les battures de la côte du sud,