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LE CHABOT

pectorales, qui est parfois garnie de très petits aiguillons, mais qu’on ne trouve pas toujours ; ligne latérale bien marquée, continue ou interrompue vers la queue ; nageoires pectorales grandes, égalant presque la tête en longueur, s’étendant jusqu’au delà de l’origine de la dorsale adipeuse ; ventrales de moyenne grandeur ; habite les États du nord et du centre, très nombreux dans les ruisseaux et les lacs ferrés ; prolonge son domaine au sud, le long des Alleghanys jusqu’à l’Alabama. »

On voit par là que nos auteurs américains diffèrent sensiblement avec les naturalistes d’Europe, au sujet du nombre d’espèces et de variétés du chabot. Ce poisson, comme tout poisson sédentaire, offre des nuances particulières dans chaque lac et chaque ruisseau. Le docteur Girard a constaté un grand nombre de formes nouvelles de chabots, qu’il a étiquetées sous des noms divers, et a fini par se lasser à la tâche, en face de trop multiples transformations. Ce qu’il en reste dans le vague d’insaisissables que l’avenir triera, c’est le secret de la Nature.

Sur la foi de pêcheurs expérimentés Heckel rapporte ce qui suit : « À l’époque du frai, en avril et mai, le mâle se rend dans un trou qu’il a creusé entre des pierres et défend cette retraite avec le plus grand courage contre tous ceux qui sont mine de vouloir s’en approcher ; si un poisson, quand bien même il serait de sa propre espèce, s’approche du nid, le chabot se précipite sur lui avec une extrême fureur, et le combat peut durer longtemps ; pendant ces luttes on trouve souvent des chabots qui tiennent dans leur vaste gueule la tête de leur adversaire sans pouvoir l’avaler. Lorsqu’il voit une femelle, le mâle l’invite à venir déposer ses œufs dans le trou creusé par lui, après quoi la femelle poursuit son chemin. Alors le mâle se fait le gardien des œufs pendant quatre ou cinq semaines, il ne les quitte que pour prendre sa nourriture. Son ardeur est aussi remarquable que sa persévérance ; il mord le bâton ou la baguette avec laquelle on veut le chasser, et se laisse tuer plutôt que d’abandonner la place. »

Il est des gens qui croient que le chabot est trop intelligent pour mordre à l’hameçon. Blanchard lui-même semble partager cette opinion, tout en lui prêtant un appétit vorace, lorsqu’il écrit : « Les insectes, et particulièrement ceux d’un certain volume, comme les larves de dytiques, d’hydrophiles, de libellules, forment son alimentation habituelle ; mais le chabot n’est pas le moins du monde exclusif dans ses goûts. S’il est vrai, ainsi qu’on le répète dans la plupart des ouvrages, qu’il se nourrit d’insectes, de frai de grenouille, etc., il s’empare aussi très bien de poissons dont la taille est peu inférieure à la sienne. J’ai vu plus d’une fois des chabots dont l’estomac était rempli et fort distendu par un assez gros vairon, et même par un goujon. »

Je suis plutôt de l’avis de la Blanchère, qui dit : « Rien n’est plus facile