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LES POISSONS

congénère d’Europe, plus vanté par les poètes que crédité à la Bourse. Toutefois, sur les côtes d’Espagne et du Portugal il se fait d’abondantes pêches de ce poisson.

Le bars du Canada ne peut être comparé à celui des États-Unis, ni pour la taille ni pour la quantité et les profits qu’il rapporte. Au Nouveau-Brunswick, comme dans le golfe Saint-Laurent, on voit rarement des bars dépassant trois pieds de longueur et pesant plus de vingt livres : c’est à peu près les proportions des bars d’Espagne, de France et de la Méditerranée. Dans les rivières Potomac, Hudson et Connecticut, voisines de nous, presque à nos portes, des bars de 30, 40 et 50 lbs ne causent aucune surprise. On se vante de la prise sans être surpris, sans en faire un objet digne de l’attention publique. Le docteur Henshall rapporte qu’il a vu, un jour, à la halle aux poissons, à Baltimore, un bars de plus de cent livres. En 1860, un bars de 104 lbs fut capturé à Cuttyhunk, entre Buzzard Bay et Martha’s Vineyard Sound. Le plus gros bars dont il soit fait mention dans l’histoire de la famille, fut pris à Orléans (Massachusetts) ; il pesait 112 lbs, juste le poids de l’ancien quintal du Canada, — que le système décimal n’a pas encore réussi à extirper complètement. Un pareil poisson devait dépasser cinq pieds de longueur.

Pour la taille et la quantité, les bars américains l’emportent de beaucoup sur le bars du Canada, mais pour la vaillance et la délicatesse de la chair, pour la valeur et la saveur, ce dernier vaut mieux que ses grands et puissants frères du sud, quoiqu’ils ne soient pas à dédaigner. Les jeunes, d’une livre ou à peu près, sont une excellente friture ; d’une à trois livres, ils sont livrés au gril ; de cinq à huit livres, leur vocation les appelle à la bouilloire ; plus gros, ils sont impitoyablement coupés par tranches, et fatalement condamnés à bouillir, sans seulement avoir le droit de protester.

Faut-il parler de la vaillance du bars, vous entendrez dire par Frank Forester, le premier : « C’est un poisson vaillant qui attaque franchement ». Et Genio Scott le met au premier rang des poissons sportifs des rives américaines de l’Atlantique, lorsqu’il écrit les lignes suivantes : « Il n’est pas de pêche sportive plus galante que la pêche au bars, du haut des rochers et des falaises de l’océan Atlantique, lorsque à travers la tempête, dans la gueule d’une mer hurlante, vous jetez un morceau de manhaden, au bout d’un fil de soie accroché à un crochet de fer imperceptible. Je me demande, à certains moments, quand on mesure la somme de jouissances sportives que procure la pêche à la ligne, si ce mode de pêcher le bars n’est pas supérieur à la pêche au saumon, à la mouche ? Et si tel était le cas, il éclipserait d’emblée tout autre mode de pêche connu. Car, il est essentiellement américain et caractéristique de