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LES POISSONS

ont la forme générale des perches d’eau douce, le corps étant toutefois plus allongé ; la tête est écailleuse ; les ouïes sont largement fendues ; l’opercule est armé de deux épines ; le bord postérieur du préopercule est dentelé, tandis que l’on voit de fortes épines dirigées en avant le long du bord inférieur ; il existe sept rayons branchiostèges ; les fausses branchies sont très développées. Toutes les dents sont en velours ; il en existe aux mâchoires, au palais et sur la langue. Les deux dorsales sont rapprochées, la première ayant neuf aiguillons. Sa coloration est un gris plombé sur le dos, un gris plus clair, argenté sur les flancs ; le ventre est argenté ; les individus jeunes ont souvent de petites taches noires sur le dos. Les nageoires dorsale, anale et caudale sont grisâtres. On voit une tache d’un brun foncé sur l’opercule. »

Supposez une perchaude énorme, plus grande même que celle de Laponie — purement imaginaire — une perchaude argentée et allongée ; dos argenté bleu-ciel, le corps argenté vif ; les deux nageoires dorsales rose tendre ; les pectorales et les ventrales jaunâtres ; une tache noire à la pointe des opercules, et vous avez le bars d’Europe.

Supposez la même perchaude, plus ventrue, ayant la hauteur du corps presque sous les ventrales, dos olive argenté ou bleu, même violet, flancs et ventre blanc argenté ou bronzé, avec 7 ou 8 rangées d’écailles noires, régulièrement horizontales, de la tête à la queue ; et vous avez le bars américain (v. gravure 29).

Le bars des provinces maritimes et du golfe Saint-Laurent se rapproche beaucoup de celui d’Europe par la taille et la couleur ; il n’en diffère, au vrai — les mâles surtout — que par ses bandes noires longitudinales qui manquent à son congénère européen. Leur poids est à peu près le même, dépassant rarement vingt livres.

Si vous sortez du golfe Saint-Laurent et longez les côtes de l’Atlantique, en allant au sud, vous constaterez la croissance graduelle du bars, d’un estuaire, d’un golfe, d’une baie, d’un récessus quelconque, à l’autre, jusqu’aux profondeurs de la baie de Pensacola, dans le golfe du Mexique, où le bars arrive assez souvent à cent livres et plus — jusqu’à l’ancien quintal canadien même — 112 livres !

En descendant vers le sud, le bars prend, en même temps que du poids, une teinte violacée de plus en plus prononcée. D’aucuns ont voulu en induire que la différence dans le poids et la couleur accusait une variété distincte ; mais le milieu cosmique passé à l’étamine expérimentale a donné une explication satisfaisante en faveur de l’unité de l’sepèce.

En 1865, mon ami de Lusignan, comptable alors au bureau de l’instruction publique, se trouvant à Saint-Augustin (Floride), notre Nice d’Amérique, où il cherchait quelques bouffées d’air tiède pour cicatriser ses poumons fatalement entrepris, m’écrivait ces mots :