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LA TRADITION FRANÇAISE

électorale. Le peuple est roi. Il n’a pas de plus vif contentement. Son amour-propre en est surexcité. La nation s’agite. La fièvre du pouvoir gagne chacun. L’électeur se prise, il se gonfle. Il est une parcelle de gouvernement ; il va créer : il est immense.

Voilà la foule devant l’urne. Que va-t-elle faire ? Quel motif déterminera son geste collectif ? À quel principe obéira-t-elle, croyant ne suivre en tout que sa volonté propre ? À qui dispensera-t-elle ses faveurs ? — D’instinct, répond M. Faguet, elle recherchera l’incompétence ; et, de toutes les raisons qu’il en donne, détachons les deux que voici :

Le peuple éprouve une irrésistible horreur de l’inégalité. Il souffre déjà mal les inégalités naturelles ; il abhorre les inégalités artificielles. Ceci vaudrait d’être approfondi. Toutes les révolutions partent de là. La démocratie a d’abord ce principe. C’est sa raison profonde : pas de privilèges. D’accord ; — mais il se trouve des hommes plus intelligents, plus habiles, plus recommandables, plus compétents par leur naturel. Le peuple les rejettera de même. Il se défie : ces privilégiés de la nature lui sont suspects. « Il est amené, forcément pour ainsi dire, écrit M. Faguet, à écarter les compétents précisément comme compétents, ou, si vous voulez et comme il dirait, non