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LA TRADITION FRANÇAISE

désagréables. Il ne décourage pas trop. L’auteur y morigène ses semblables avec sympathie. On sent qu’il les plaint plus qu’il ne les blâme. C’est la leçon d’un vieux professeur, très spirituel et légèrement sceptique, à des petits enfants qui sont des hommes et qui ne pensent pas.

Il y est naturellement question de la Démocratie. C’est un grand mot, un de ces mots qui sont à eux seuls un argument et sur lesquels la période aime finir avec sonorité. C’est une grande chose, et dont il fut beaucoup parlé depuis Jean-Jacques. Ce fut le mot politique du XIXe siècle. Il s’en est paré. Il en a tiré tout un vocabulaire : avènement du quatrième État, déplacement de l’axe du pouvoir, bulletin de vote, conquête des urnes. Airs connus, et qui font bien dans les comices. La suprême élégance fut de n’en avoir plus. Chacun voulut être superbement peuple. La masse eut toutes les exigences et toutes les satisfactions. Elle fut la maîtresse des nations, et les plus autocrates ont dû lui sacrifier quelque chose de leur fidélité au passé.

C’est fort bien. L’urne est sans doute un progrès ; et je le crois d’autant plus qu’il nous coûte très cher. Le progrès est toujours onéreux. Il se paie. Si nous vivons mieux qu’hier, nous souffrons davantage. La civilisation nous affole en même temps qu’elle nous satisfait. La neurasthénie est