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nom »[1]. Il n’a rien connu de tout cela. De gaieté de cœur, il y a renoncé. Ne doit-on pas lui en tenir bon compte ? Si l’on peut critiquer l’allure de sa polémique et blâmer certaines de ses attitudes, on ne peut pas mettre en doute sa sincérité : il l’a payée trop cher. D’ailleurs, la vérité s’est faite sur lui ; et ses adversaires même lui ont donné justice.

Veuillot fut journaliste, mais il le fut par devoir. Il eut voulu cultiver la poésie et imaginer des romans. C’est en vers qu’il célébra la prose, mâle outil et bon aux fortes mains.

Ce sont des vers qu’il jeta, en épitaphe, sur sa tombe :

Placez à mon côté ma plume ;
Sur mon cœur, le Christ, mon orgueil,
Sous mes pieds, mettez ce volume,
Et clouez en paix mon cercueil…

Il dit encore :

Le vers n’est qu’un clairon, la prose est une épée.

Il choisit l’épée. Il acceptait la lutte, mais elle lui pesait. Sa vie fut ainsi toute d’énergie. Il renonça au plaisir d’écrire. Il eut voulu s’évader, courir, chanter : il fut attaché à ce qu’il appelle, avec Théophile Gautier, la meule du journalisme Personne, à le voir si tenace, n’eut soupçonné le combat qui se livrait en lui-même, entre la réalité

  1. Les Contemporains, VIe série, p. 9.