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sût rendre service. Son traitement fut porté à trente francs et il vint habiter la maison où était installée l’étude. Pour augmenter ses maigres ressources, il fit des courses et travailla, sur les bords de la Seine, à décharger le sable apporté là par des mariniers. Cela lui donne cinq sous l’heure de quoi acheter des livres qu’il emporte, comme un enfant pauvre emporte un jouet, dans sa petite mansarde, et qu’il place, après les avoir lus avec fièvre, sur sa petite planche aux livres, là-haut, près de la lucarne qui éclaire sa studieuse jeunesse.

Il continua l’étude du latin et suivit les cours que donnaient, en Sorbonne, Villemain, Guizot et Cousin. Il restait curieux de tout et ne laissait rien perdre de ce qu’il pouvait apprendre. Il poursuivait ainsi sa formation littéraire, avec une énergie de tous les instants et sans souci des épreuves que sa vie de pauvreté lui apportait. Déjà, il savait souffrir. Il eut volontiers fréquenté le monde. Il s’en abstenait par fierté. Pourtant, il prisait le luxe. Lorsqu’il eut cent francs par mois, il se paya un domestique.[1] Plus tard, il se reprochera de ne pas abandonner assez facilement ce qu’il appelle les « façons grand-seigneuriales ».[2] La misère le touche. Un instant elle l’irrite ; mais il finit par

  1. Voir une conférence du marquis de Ségur sur Louis Veuillot : Revue hebdomadaire du 18 février 1911
  2. Correspondance, vol. I. p. 24.