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de sa courageuse destinée. Louis Veuillot entrera chez maître Fortuné Delavigne. Le voilà quatrième clerc d’avoué. Cela lui rapporte vingt francs par mois !

L’étude de maître Fortuné Delavigne — un nom prédestiné — n’avait pas ce caractère de rigoureuse sévérité qu’on se plaît à reconnaître à ces sortes de cabinets. Sans être une étude de vaudeville, elle n’allait pas sans quelque gaieté. À dire vrai, on ne devait pas s’y ennuyer. Le patron était le frère du poète Delavigne, alors au faîte de la renommée. Les clercs en profitaient pour se livrer, sous l’œil bienveillant et complice du maître, au culte des lettres. Le voisinage apaisant des dossiers ne tarissait pas leur verve. Parmi tant de paperasses, au sein de toute cette poussière de discorde, ils chantaient l’idéal et célébraient l’harmonie. Les uns étaient poètes, les autres musiciens, quelques-uns versaient dans le théâtre. Il y avait là Gustave Olivier, les frères Natalis et Gustave de Wailly, et Émile Perrin, futur administrateur de la Comédie française.[1] Des écrivains de marque fréquentaient ce lieu d’élection : Scribe, Germain, Delavigne, Bayard et encore Auguste Barbier, qui lisait ses Iambes au jeune Veuillot. Ces auteurs faisaient-ils représenter une

  1. J. Claretie : Une idylle de Louis Veuillot. — Le Temps, 22 août 1913.