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sont là de riches stimulants. La douleur durcit le caractère. Celui qui a d’abord souffert connaît déjà toute la vie : elle pourra le blesser encore, elle ne l’étonnera plus.

Voici donc Veuillot à Paris. Il vint à Bercy où ses parents, à la suite d’un revers de fortune, l’avaient précédé. Eugène Veuillot a décrit ce coin reculé et paisible du Paris qui travaille. « Derrière les magasins, dans les terres, se trouvait la rue de Bercy, où la culture maraîchère occupait plus de place que les habitations. Notre demeure, située au centre des magasins, entre le bord de la Seine et cette rue vouée surtout à la culture des légumes, était très isolée. À partir de huit heures du soir, nous n’entendions plus aucun autre bruit que celui des outils de notre père. Pour lui, les journées de travail, si longues pour tous, étaient plus longues encore que pour les autres. Il se mettait à l’ouvrage, le matin, deux heures avant l’appel de la cloche, et le soir après souper, il s’y mettait une heure encore. C’est ainsi qu’il put, sans rien demander jamais à personne, sans « ne rien devoir qu’à ses bras », comme il le disait avec une fierté légitime, « élever quatre enfants et faire quelques économies ».[1]

À Bercy, c’était toujours, comme on voit, la même chose. Le premier souci, c’est de vivre,

  1. Louis Veuillot, par Eugène Veuillot, tome 1er, pp 16 et 17.