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modestes, le plus beau de tous parce qu’il est le plus vrai.

Les gens de Boynes sont tenaces et opiniâtres ; et, à Boynes, comme le dit Veuillot, tout le monde est cousin. Veuillot fut donc un petit garçon tenace et volontaire. Il apprit à lire, puisque telle devait être sa destinée. Je me rappelle, à son propos, la réflexion d’un petit homme qui venait d’apprendre l’alphabet : « Alors, toutes les lettres que je connais, c’est avec ça qu’on fait des livres ? — Oui, ou du moins c’est un peu avec ça. — Alors, je n’ai plus rien à apprendre puisque c’est toujours la même chose ». Louis Veuillot déchirait les pages de son alphabet pour n’avoir pas à y revenir. C’est un système. Son oncle, le charron Louis Adam, lui fit cadeau d’un abécédaire en bois : « une planche où les lettres et les syllabes élémentaires étaient marquées à l’encre ».[1] C’était un argument. Le jeune Veuillot s’y soumit et, sans doute, en profita, quoiqu’il se soit d’abord servi de cet alphabet « en forme de raquette » comme d’un premier bâton. Il était décidément têtu, têtu à ne vouloir jamais éplucher du safran, ce qui, en Gâtinais, doit être impardonnable. Comme on lui tenait rigueur de sa résistance, il eut

  1. Louis Veuillot, par Eugène Veuillot. — 12e édition, 1903 — pp. 2 et 3. Nous empruntons à cet ouvrage le détail de la vie de Veuillot.