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devine la mort, d’un feu qui se fait, un instant, plus intense. Puis elles retombent, légères, invisibles, dans le soir. Le lendemain, sur la pierre refroidie du foyer, sous les chenets, un peu de cendre seulement, de cendre grise, menue, inutile. C’est la vie, la vie d’un heureux : tous les désirs, toute l’action dévorante, et rien ! Feu de paille, dit la langue populaire.

La course au bonheur, à tous les bonheurs ! Vieille chanson, vieux sujet que renouvellent très heureusement le talent, la sûreté de main, l’esprit pénétrant, la sincérité d’Henry du Roure. Ce qui fait la beauté de cette œuvre, ce qui la rend émouvante, c’est sa vérité tragique. Certes, Robert Lescœur pourrait n’être pas l’homme que l’on sait ; et l’auteur eût pu se complaire à le peindre sous des dehors plus avantageux. Il ne l’a pas voulu : il a eu raison. Il a pris son bien où il se trouve : dans l’existence quotidienne. Il suffit que cet homme soit possible, moyen ; qu’il soit vrai. Tous ses actes sont humains, profondément humains. Il n’est pas une exception, quoi qu’on en puisse dire. Ce n’est même pas un type. C’est un homme. L’ambition, qui semble la maîtresse de sa vie, n’est pas l’unique objet auquel il soumette sa volonté. On se tromperait singulièrement à ne rechercher en lui qu’un modèle d’arrivisme. Il y a de cela : c’est le côté action de sa double vie