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Il revient pour apprendre le mariage de Louise avec Georges Dargeau, gendre du choix de madame Lorgeril, très à sa main, de la plus épaisse fatuité d’ailleurs, et muni pour l’existence de toutes les ambitions, y compris celle de succéder à son beau-père quand, fatigué de la politique, celui-ci aura tiré son chapeau à la fidélité émue de ses dévoués électeurs.

Le désespoir de Robert est immense : c’est le premier. Peu fait au bonheur, il éprouve à le perdre une amertume rageuse. Un instant il pense à la revanche, au coup d’éclat. Puis il retourne à Verceil, le temps de murmurer à Louise cet aveu, qui est une acceptation : « Je vous aimais ! » C’est fini. Dans le cahier rouge, désormais enfoui au fond d’un tiroir comme une chose qui aurait appartenu à un mort, il écrit ses confidences pleines de regrets ; il enferme sa jeunesse, sans plus d’espoir. Il oubliera. Il faut qu’il oublie. Il lui reste une consolation, un bonheur toujours possible : l’action. Il vivra, obéissant au rêve de puissance qui le fascinait tout enfant. Il n’est pas très sûr pourtant que ce rayon s’éteigne tout à fait : l’amour qu’il a connu sera le ressort secret de sa vie, la sourde volonté qui le conduira ; une raison persistante d’éblouir celle qui l’a négligé et de lui prouver, en conquérant la gloire par surcroît, tout ce qu’elle a perdu.