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C’est sortir de soi-même ; s’oublier, oublier la vie de chaque jour, les mesquineries qu’elle traîne avec elle, les ambitions qu’elle aguiche et bafoue. C’est faire partie d’une force immense, totale ; défendre les foyers, protéger les faibles, venger les injures, lutter pour le droit, donner la vie en recevant la mort. C’est un orgueil sublime où sombre la volonté individuelle. C’est se donner tout entier à une idée ; et, la faisant triompher par soi, durer dans l’immortalité de ce triomphe :

« À l’amour comme à la guerre, ce qu’on demande c’est une ivresse. Oui se griser, perdre la tête, sortir de soi, s’oublier, ne plus traîner le lourd fardeau de sa personne, se laisser emporter par quelque chose de plus fort, se confier au courant, souffrir mais palpiter, mourir mais avoir vécu… Rêve si beau qu’il n’y en a pas de plus attirant sur la terre, et même qu’il n’y a que celui-là. Tous les autres relèvent de lui. Où tend l’effort des mystiques, sinon à se perdre, à s’anéantir dans le torrent de l’amour divin ? C’est l’ivresse de l’amour que le musicien, le poète, l’artiste, demandent à leur art. C’est l’ivresse de la bataille que l’homme d’action demande à l’ambition, aux affaires. Sans la passion, que deviendrait le monde ? Telle est la loi des individus et telle est la loi des nations. Ainsi naissent les grandes passions collectives, ces frénésies d’amour qui agenouillent des millions d’hom-