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LA TRADITION FRANÇAISE

attrait au sourire des choses, qu’il ne s’attarde tout au moins à un souvenir, sa secrète raison : lueur, qui le guide, le soutient, le garde à l’espérance, le fait battre. Quitter cela, c’est quitter tout, quand on n’a rien de plus que son rêve. Et pourtant, quelle unanimité d’abnégation germa de ces vertus ! Ouvriers goguenards, aux larges épaules, à la voix traînarde et gouailleuse, aux muscles solides ; paysans patients, remparts de la terre, remueurs de sols et semeurs de vie ; bourgeois, gardiens de la tradition, bâtisseurs de fortunes, les plus sûrs témoins de l’histoire ; artistes au geste détaché, amoureux des mots et de la beauté, formés librement au soleil de l’art, enfants de génie ; philosophes attardés aux douceurs des bibliothèques et attendris par l’espoir de quelque lointaine découverte ; boutiquiers à l’âme close sur leur petite patrie : la rue ; gavroches du faubourg, poussés la pointe aux lèvres et, dans les yeux, le rire français plus fort que la misère et plus victorieux que la mort ; tous, en se serrant, cessaient d’être la foule pour devenir la nation, prendre corps, s’armer, faire le coup de feu pour les vieux, pour la femme et les gosses, pour le village, pour le quartier, pour la patrie, pour la France. Voilà comment s’est personnifiée la France, une et indivisible, la France seule, forte, majestueuse, marchant sur la route de l’histoire et ralliée au panache blond de sa jeu-