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Pensez-vous vraiment que nos qualités de race se soient à ce point conservées ? N’avons-nous pas subi toutes les conséquences de la rupture et, dans l’éloignement forcé où nous jeta une défaite, ne sommes-nous pas des exilés ? Physiquement, nous survivons ; mais notre âme qui fait notre vie ne s’est-elle pas épuisée dans la lutte où les circonstances l’ont jetée ? S’est-elle affinée au contact de l’individualisme nouveau ? A-t-elle su créer autre chose qu’une longue résistance, miraculeuse évidemment, mais incomplète tant qu’elle ne se transforme pas en une affirmation durable, organisée, constructive ?

Seul le désir ardent de voir notre race conquérir la supériorité poussait Joseph Baril à prononcer ce doute. Il pensait secouer nos énergies et nous porter vers l’action raisonnée, dans la sphère même où nos origines ont placé nos activités. Il savait reconnaître tout le merveilleux de notre histoire et retrouver, ça et là, — ses lettres en témoignent — chez les nôtres, les signes certains d’une tradition ininterrompue. Sur ce fonds solide il voyait un édifice auquel la discipline française eût donné toute sa grâce. Il y travaillait. Prédicant convaincu, il se formait d’abord suivant sa doctrine. Il fut de ceux qui, dans cette civilisation fiévreusement intéressée, ont négligé l’appel d’une fortune rapide pour rechercher, dans l’isolement de la pensée, le lien