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jamais sa volonté, ni son intelligence active, ni sa foi. Il vécut heureux, épris de l’affection familiale où se calmait sa douleur. D’un cœur très noble, il appréciait les douceurs de l’amitié où il voulait mettre la plus charmante discrétion. « Une amitié qui s’affiche, a-t-il écrit à quelqu’un qu’il aimait, est-ce une amitié sincère ? Croyez-vous réelles les affections imprimées et mises en volumes à cinquante sous l’exemplaire ? » Il causait volontiers, livrant aux autres ses rêves, ses hésitations, ses œuvres. Il était très au courant de l’actualité. Il suivait les manifestations de la vie canadienne avec tout l’éveil de sa pensée. Sa seule peine fut de ne plus pouvoir lire, et, pour obéir au médecin, de se reposer encore vivant.

Mais ce contraste, que nous avons déjà signalé, entre nos mœurs américanisées et notre innéité française, qui fait le fond de sa philosophie et qu’il voulut sans cesse mettre en lumière pour le montrer comme un écueil dangereux, ne lui laissait-il pas de doutes sur notre avenir ? Nous avions écrit, à propos d’une conférence de M. Anatole LeBraz « Nous sommes une province de France, la plus éloignée, la moins connue, la plus oubliée, mais une province de France quand même. » — Pensez-vous vraiment ? demandait-il dans un article qu’il signait de son nom et où il paraît avoir formulé toute sa théorie, sous ce titre : Une Âme qui se meurt.