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à un blâme. Ils en avaient, entre autres, une excellente raison : apprendre le français. Eh oui ! Quelque talent que l’on ait, encore convient-il de savoir s’exprimer. Tel penseur profond, quoiqu’il conçoive à peu près clairement, peut être un piètre écrivain. Il en est. Est-il bien sûr, d’ailleurs, que nos poètes se soient tellement éloignés de leurs origines en voulant exprimer dans leurs œuvres une pensée humanisée, des idées générales, des modes universelles ? N’est-ce pas le propre de l’esprit français que de s’être ainsi répandu, et d’avoir tenté, avant tout, d’exprimer des sentiments susceptibles d’intéresser l’homme et de l’éclairer sur son propre cœur ? Et lorsque les littérateurs français croient se régénérer au contact des littératures exotiques, ou lorsque, comme Chénier, puis Leconte de Lisle, puis de Hérédia, ils font retour à l’Antiquité grecque ou au léger scepticisme latin, n’est-ce pas par une curiosité bien humaine et pour exprimer sur l’homme des idées qui touchent au magnifique tourment de ses destinées ? En un mot, en croyant imiter les autres, ne cherchent-ils pas un motif de demeurer Français ?

L’important pour nos poètes était qu’ils réussissent. On pardonne tout au succès ; et il est entendu, maintenant qu’il est mort à la pensée, qu’Émile Nelligan est un artiste, et qu’un auteur français, même de quelque renom, eût signé la