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l’anathème dont ce vers de René Chopin est comme un écho :

Ignore cette mer démente qui s’effare
Ruée à ses labeurs…

Sauf quelques-uns qui avaient approché les aînés, Gonzalve Desaulniers et Charles Gill, ils abandonnaient la tradition littéraire que Crémazie et Fréchette avaient rattachée aux arbres de nos forêts, à la chanson de nos aïeux. Ils voulaient être soi, rejeter « les vieux poncifs romantiques », les « mélanges de lieux communs », la banalité, le pédantisme, les « vices de la versification traditionnelle » ; libérer le rythme, affirmer leurs droits à la vie intellectuelle, remuer des pensées, exprimer leur cœur déjà vieilli, leur jeune tristesse, leur amour souvent déçu avant que de s’être avoué ; se mêler à l’humanité troublée, meurtrie, vaincue, parcourir le monde à la suite des dieux !

Disciple d’Alfred de Vigny, de Leconte de Lisle et de Sully Prudhomme, M. Jean Charbonneau, héritier de leur âme tour à tour inquiète et stoïque, interroge la nature où il cherche la confirmation de son rêve intérieur et la leçon de l’éternelle désillusion des choses. Sa mélancolie se complaît en elle-même et réclame pourtant l’oubli :

Sans l’oubli la douleur resterait éternelle
Et les jours de bonheur seraient sans lendemains.