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Ces mêmes éléments, n’en retrouvaient-ils pas, aussi bien, quelque chose dans la poésie française, puisque la science moderne, le nivellement économique et, surtout, le rayonnement des transports, ont rapproché les points extrêmes de la terre, suscité et bientôt répandu partout des façons identiques de penser et d’écrire, de sentir et de s’exprimer ? Innombrables sont les points de contact par où les littératures modernes se touchent, se pénètrent, s’apparentent en quelque sorte. La littérature française, pour ne citer que celle-là, a fait très large l’hospitalité qu’elle a accordée aux conteurs russes, aux réalistes anglais, aux poètes italiens, aux mélancolies scandinaves, voire aux métaphysiques nébuleuses de la Germanie prolifique ; matière souvent lourde et indigeste, qu’elle s’assimilait pour en tirer de l’humanité, qu’elle exprimait ensuite avec sa lumineuse clarté. Il ne serait pas si difficile de suivre, à travers l’histoire d’une littérature, faite d’actions et de réactions, des filiations parfois les plus bizarres, les plus inattendues. N’est-ce pas Musset, à qui on reprochait d’imiter Byron, qui répliquait :

Vous ne savez donc pas qu’il imitait Pulci ?…
Il faut être ignorant comme un maître d’école.
Pour se flatter de dire une seule parole
Que personne, ici-bas, n’ait su dire avant nous.
C’est imiter quelqu’un que de planter des choux.