Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nous l’enlever, et quand il fallait, avant que de l’enrichir, mettre tout notre soin, toute notre force, toute notre constance à la garder seulement ? D’ailleurs, si l’on y tient absolument, quelle littérature vaudra jamais en sincérité et en éclat notre histoire, rattachée à l’histoire de France et riche de son double passé ; quelle poésie surpassera en beauté la réalité de notre action, de nos luttes quotidiennes, la miraculeuse survivance de notre souvenir français qui fut le « principe de vitalité », l’âme victorieuse de tout un peuple ? Au moment même où s’exprimait Durham, les Canadiens français faisaient assaut d’éloquence ; et quelques années ne s’étaient pas écoulées que François-Xavier Garneau revivait notre histoire et que Louis-Hippolyte Lafontaine, qui paraît avoir synthétisé en lui toutes nos aspirations, portait jusqu’au pied du trône la plus sûre interprétation des libertés britanniques, orgueil de l’Empire.

La poésie, ainsi jaillie de notre passé, fut le souffle qui inspira nos premiers écrivains. C’est parce qu’ils l’ont recueillie qu’ils ont été vraiment des poètes, et non pas parce qu’ils ont inventé une forme personnelle de traduire des sentiments anciens ou des idées nouvelles. Ils ont été une des voix de la résistance commune. Cela grandit leur œuvre et la sauve plus sûrement de l’oubli. Nous les lisons encore, et ils nous intéressent par ce qu’il