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LE FRONT CONTRE LA VITRE

et, certains jours, l’air circule comme une émanation du grand fleuve. Les terrasses sont utilisées, la première donne sur le port, les autres s’étagent jusqu’au couronnement de la colline royale. Les édifices publics, qui jaillissent des concours, transforment d’un élan nouveau la vigueur de nos héritages : édifices destinés à nos édiles et à nos magistrats, ou offerts à l’enseignement du peuple. Un théâtre ou une salle de concert — enfin ! — accueille les artistes et convie l’Amérique. On y converse, dans des foyers élégants. Quelle civilisation oblige les femmes à rester trois heures rivées à un siège, et les hommes à se rencontrer sous le froid des portiques ou dans une antichambre aux relents antiseptiques ? Autour de ces centres intellectuels, des métiers s’animent : couture, modes, fleurs, orfèvrerie, et la ville se réveille à la vie de l’art et à la vie économique, comme New-York autour du Rockefeller Center ou Washington sous ses frontons coloniaux ; mais elle est française de langue et, cela se remarque au premier coup d’œil, de traditions. Elle a la fierté des choses vraies et profondes. Le goût s’y affine et, affiné, rayonne sur la campagne qui fournit la ville de tentures, de tissus, de céramiques, d’ameublements, et peuple d’images la durée du foyer.

La culture se remet au service de la cuisine, notre cuisine canadienne, cousine grasse de la cuisine de France. Finie, la grande pitié de l’hôtellerie et du restaurant, finis le gargotier cosmopolite et les fourneaux mécanisés. L’art ménager enfin compris, débarrassé de la réclame américaine, a remis en honneur les inépuisables ressources de