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LE FRONT CONTRE LA VITRE

son passé de légende ; ils se complaisent aux couleurs du régionalisme. S’ils ont négligé la cuisine, ce qui n’a rien d’étonnant, ils ont prêché du moins le retour aux métiers d’art, et pris sous leur protection, pour les commercialiser, les fabrications de nos artisans.

Ils ont consacré des études attentives à notre architecture dont ils ont révélé la beauté à grand renfort de croquis. Ils ont fait mieux : ils l’ont ressuscitée. Ils n’avaient pas à copier nos églises, car ils en possèdent de fort jolies, très pieuses à leur manière, j’entends dans la souplesse et la discrétion de leurs lignes extérieures, et confiées, d’ordinaire, à un décor qui les pénètre d’une sorte d’intimité puritaine. Mais ils nous ont pris nos maisons pour les placer sur le Mont-Royal, où elles sont trop neuves, trop lourdes aussi, peut-être parce qu’elles sont joyaux des prés et que, dans les villes, il faut les rapprocher mur à mur, toit contre toit, et les élever de plusieurs étages ; pourtant elles font revivre de façon saisissante un moment de notre vie, à ce point qu’on les perçoit dans le matin brumeux comme une évocation. Chaque fois que je les vois, roses ou grises, de granit ou de calcaire, j’éprouve un sentiment de retour ou de bienvenue dont la contradiction se mêle dans la minute ou la fenêtre de la voiture qui m’emporte les encadre.

En ramenant chez elle notre maison, en la revêtant d’une robe chamarrée, aux reflets de carrière ouverte, on a maintenu un type qui se retrouve, il est vrai, aussi bien en Écosse, en Irlande, en Wallonie que sur les côtes de la Bretagne ; mais un type qui a dressé chez nous contre la sauvagerie une défense et