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LUMIÈRE DU NORD

Et l’on atteint à la poésie pure où le verbe et la pensée se conjuguent en une lumière aux inépuisables profondeurs.

La peinture, nous voulons d’abord qu’elle reprenne la réalité, qu’elle double la photographie, ou qu’elle confirme de couleurs tendres nos rêveries quotidiennes. Qui n’a pas jeté aux orties les chromos chers à son adolescence, soleils ou profils perdus, pauvretés commercialisées où le cœur, sans discuter son plaisir, apaise ses premières ardeurs ? Le léché nous retient jusqu’à ce que nous comprenions que l’art, peinture ou sculpture, qu’il soit de la Grèce ou du moyen âge, sentiment ou pensée, jaillit de l’esprit. Leconte de Lisle n’a-t-il pas écrit : « L’art, c’est une vérité choisie » ?

La musique commence par nous bercer ; elle nous prend par ses rythmes les plus simples et nous exigeons qu’elle soit « chantante ». Combien ne dépassent pas la joie facile de l’opérette ou les entraînements du jazz, et n’arrivent pas à revêtir d’un accent musical le pauvre dialogue de l’opéra, tant qu’un maître ne les a pas initiés ; et ceux même qui arrivent à surprendre l’intimité revêche de la musique continuent souvent de dire que, pour posséder une œuvre, il est nécessaire de l’avoir entendue plusieurs fois. L’art est donc aussi une longue patience, une expérience mûrie chaque jour comme une consolation.

Qui ne voit l’avantage d’une discipline qui conduit à la formation du goût, source d’originalité et, comme on dit aujourd’hui, de qualité. Sur ces deux mots — originalité et qualité — Lucien Romier fonde sans hésiter toute l’économie française : à nous, ils