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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Nous avons donc créé un style ? — Si on peut dire. Le fait est qu’il se retrouve ailleurs, qu’il s’implante partout où les nôtres, en se déplaçant, vont recommencer leur demeure, fût-ce aux États-Unis. Un style qui, comme de raison, ressemble à notre langage par sa pauvreté, son laisser aller, son manque de caractère ou de dignité. Voilà le mal, car ce laisser aller, cette incurie en matière d’art, est une des causes de notre infériorité. Dans les grandes villes, comme dans les petites où se blottissent aussi des choses agréables, où cependant la rue principale avec sa bordure de façades plates haletant sous les enseignes lumineuses, rappelle à s’y méprendre l’allure des centres américains, on ne perçoit donc guère de nous-mêmes.

Les Anglais, au contraire, n’ont peut-être pas eu beaucoup d’originalité, mais ils sont restés plus fidèles que nous à leurs traditions quand ils n’ont pas ravivé les nôtres à leur profit, pour leur confort. Rien de mieux qu’une promenade à travers la ville pour éclairer la différence d’aspect — je ne parle ni de richesse ni d’ordre — entre l’est français et l’ouest anglais. Et cette différence, on la retrouve, aussi marquée, quand les deux « éléments » ont recommencé à se grouper l’un à côté de l’autre, en dehors des limites de la province de Québec.

Sans doute, il s’agit de villes neuves, donc en formation ; mais il serait temps que, par des lois d’urbanisme, dont l’application serait confiée à des compétences et surtout à des hommes de goût, on mît un terme à l’évolution spontanée qui n’a guère pro-