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LUMIÈRE DU NORD

miracle, il se débarrassait de son réseau de clôtures et de fils barbelés et faisait renaître, parmi les haies et les arbres retrouvés, la grâce de sa maison.

Les villes subissent la même déchéance. Conçues dans la modération, assemblées avec prudence, sinon même avec recherche, elles ont, en prenant soudain de l’essor, quitté toute règle et couru toutes les aventures. Ceux qui les habitent n’y prennent plus garde ; mais, s’ils s’en éloignent quelque temps, ils ne manquent pas, à leur retour, de remarquer que nos rues se sont liées au hasard des inspirations les plus bizarres, depuis le noyau encore apaisé de leurs commencements jusqu’à l’orgie disparate de leurs derniers quartiers.

Pour se rendre compte des détails, rien de mieux que d’isoler un anneau de la chaîne et de le contempler à loisir : ainsi Jean Chauvin, d’un coup de kodak et Jean-Charles Faucher, dans ses dessins, ont fixé les formes les plus étranges d’un art en désarroi… La disparition des combles a donné place à des frontons, des poivrières, des bulbes, des épis, des tourelles, des créneaux de bois, des soleils de tôle et des rayons d’acier. On a orné les façades d’appareils cocasses : balcons jumelés, vérandas grillagées, escaliers extérieurs sur lesquels on photographie volontiers nos familles nombreuses, comme des grappes à la treille. Pauvres échafaudages qui faisaient dire à Pierre Dupuy : « J’ai eu l’impression d’un peuple en déménagement perpétuel et qui aurait renoncé à retirer les échelles ».