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LUMIÈRE DU NORD

cueille partout la naïve fraîcheur de l’art danois comme une des « lumières » du Nord ; et l’esprit européen ne refuse pas l’inspiration des audacieuses douceurs que dispense cette civilisation aux reflets bleus.




L’art manifeste la personnalité d’un peuple ; grâce à ses révélations, et même si le voyageur ne sait pas la langue du pays, une figure s’anime et lui parle dans sa solitude.

Avons-nous considéré l’art sous cet aspect ? Y avons-nous cherché une valeur d’expression aussi nette, aussi impérative que la langue ? Avons-nous même posé, chez nous, le problème de l’art ? — Je crains que non. D’ailleurs, faute d’une doctrine, ou, si l’on préfère, faute d’une réflexion nourrie, nous n’avons pas de données précises sur notre sort, sur le sort que nous n’attendons même pas de nous-mêmes.

Je me demande l’effet que produirait, dans un programme de rénovation nationale, une phrase comme celle-ci : « L’art est une expression aussi sérieuse que la langue, et nous y puisons la même volonté de régénération ». Car au fond, qu’est-ce que l’art — je n’ose pas dire l’artiste, je me ferais décapiter — pour la moyenne de nos gens, pour ce type nouveau de l’homo oeconomicus que l’on appelle aujourd’hui, à la suite des Américains, « l’homme de la rue ». Il n’est pas si loin le temps où un poète faisait lever les épaules de notre noblesse marchande ou de nos