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IN HYMNIS ET CANTICIS

C’est la Lorraine qui le console et l’aide à se ressaisir. Il quitte son cabinet où flotte le doute ; et sitôt qu’il s’engage dans la campagne, il se sent transformé comme s’il recevait en pleine figure l’afflux de son innéité : « L’air doux me baigne, l’horizon rafraîchit mes yeux ; de tout mon corps je me conforme à ma Lorraine. Je cesse de penser ; je suis maintenant une plante lorraine, heureux, joyeux, intéressé par tous mes sens. »

Il a choisi sa patrie. De là, il se résout. Il veut poétiser la Lorraine morne, aux ondulations d’une désolante nudité. Il s’emploie à en trouver le secret, à lui arracher les intimes raisons que l’on a de l’aimer, à révéler son charme. Il sait qu’en agissant ainsi, il sert sa grande patrie, la France, qui d’abord veut être aimée. « Je dois hausser l’âme lorraine. Je dois mettre ces jeunes gens dans un état d’exaltation, dans une haute idée de leur pays qui deviendra, avec l’occasion, le principe de grandes actions lorraines. »

Et voici comment, dans ses Cahiers, il exhale un chant d’amour : « Comme un fruit parvenu à sa maturité retombe dans le sein de la terre dont il est sorti, il faut que tout mon esprit enrichisse la terre lorraine. En Lorraine j’ai pris et ma vie et mon âme, mon premier jour et tous mes jours, elle a fait mon regard et puis l’a dirigé ; chez elle rien ne m’est indocile, cependant elle me gouverne et je veux, comme elle le veut, formuler sa discipline. Mon intelligence pourrait s’intéresser ailleurs qu’en Lorraine, mais mon cœur y demeure tout. Je ne saurais long-