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IN HYMNIS ET CANTICIS

Saint-Laurent. Pendant quelques années, il n’a guère dépassé Québec ni Montréal. Puis il a visité le reste du pays : le centre et l’ouest. Revenu de ce voyage, il me confiait : « Vous êtes différents des autres, et je m’en réjouis. C’est quand on arrive par les États-Unis ou par le Canada de l’ouest qu’on s’en rend compte. Ici, je retrouve vraiment quelque chose de français. Je n’en doute plus ». Facteur historique qui a résisté jusqu’ici dans son ensemble, par la terre façonnée, par des vestiges d’art que nous allons perdre à force de copier les autres.

Pour connaître et aimer ce territoire que nous avons formé, qui est nôtre encore, rien ne vaut pour nos esprits latins, comme d’en pénétrer, par l’observation constante, la beauté et les traditions. Le patriotisme du Français n’est pas fait d’autre chose que de connaissance et d’amour. J’écoutais un soir Tellier de Poncheville parler de son pays. Quel Canadien aurait mis autant de feu à décrire nos horizons ! Relisez les livres de voyage, fort en honneur en France depuis quelques années. Les Français parcourent toute la terre, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique. Quelle joie, au retour, chez Dorgelès, Béraud, Bonnard ou Paul Morand ! Que dire de Plaisir de France, de Lucien Romier ? Si je n’avais déjà surchargé ces pages de citations, que n’y cueillerais-je, sur la terre, les routes, le pain, le vin, les femmes de France ? Un Allemand, Curtius, attribue ce patriotisme à l’école française, où les petits acquièrent un merveilleux qui ne les laissera plus.

Mieux encore ! Le Français a l’habitude de sentir sa terre natale à ce point qu’il nous applique sans