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LE FRONT CONTRE LA VITRE

que des accidents de climat ou la nature des lieux y mettent obstacle. Elle est plutôt commerciale en Amérique du Sud, où la lutte des civilisations s’accomplit entre l’élément espagnol et l’élément indien, celui-ci singulièrement ravivé. Mais l’Amérique du Nord est ouverte au rayonnement de New-York et de sa culture hâtive et hybride. Le commerce, la finance, puis la musique, les lettres, les habitudes, les façons de sentir, coulent librement comme un fluide le long des tranchées ouvertes. Je parlais de pénétration, n’est-ce pas un envahissement naturel ?

Voilà pourquoi notre problème synthétisé se ramène à cette proposition d’André Siegfried : « Somme toute, votre avenir dépendra du facteur historique et de sa puissance de réaction contre le facteur géographique. »

Est-ce la simplifier trop pour le plaisir bien français de poser la question que de la ramener à ces lignes simples ? Je ne le crois pas. C’est une vérité terrible dont les conséquences, déjà, sont évidentes. — C’est pourquoi, répliquai-je, nous devons connaître notre territoire, le marquer de notre empreinte, le poétiser de notre travail, le maintenir nôtre, fût-ce contre les courants naturels, afin d’y trouver un élément de résistance, une amitié canadienne, qui nous préserve et qui retienne notre patrimoine, malgré tout.

Raoul Blanchard a fait une expérience curieuse. Il a commencé ses randonnées au Canada par l’est de la province de Québec, la Gaspésie et la rive sud du