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LE FRONT CONTRE LA VITRE

qu’on s’est enfin décidé à l’appeler. Ce fut — le sait-on bien ? — un lieu de recueillement, au temps de Mgr de Forbin-Janson. On y avait construit une chapelle, vers laquelle se déroulait un chemin de croix. Il n’en reste plus que des ruines, quelque bois vieilli, de fortes chevilles rivées au temps, et « une belle floraison de lis tigrés, issus sans doute des bulbilles tombées des bouquets des pèlerins et qui, en juin, épanouissent leurs grandes fleurs orangées tout autour du rocher. » Ces fleurs, parfum d’une prière qu’aucun geste ne renouvelle plus !

Marie-Victorin se tient aussi debout sur le socle qu’il a cherché, comme le petit Philippe. Vers lui montent aussi des images et des voix, celles d’aujourd’hui et, plus lointaines, celles d’un passé païen que la croix et les lis absolvent et rachètent. La similitude est frappante entre les tableaux de Barrès et ceux du grand savant, missionnaire des écoles chrétiennes.

« On resterait ici longtemps ! On voudrait voir le soleil entrer, au matin, en possession de son domaine, voir la nuit venir par le même chemin et prendre sa revanche ! On se reporterait facilement au temps où toute cette plaine n’était qu’une seule masse houleuse de feuillages, parcourue, le long des rivières, par des troupes de barbares nus. On verrait les chapelets de canots iroquois descendre rapidement sur l’eau morte ; on verrait les beaux soldats du Roi de France, dans leurs barques pontées, monter vers le Lac Champlain, couleurs déployées. Sans doute, l’endroit où nous sommes était un poste d’observation, et pris par mon