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IN HYMNIS ET CANTICIS

Il nous reste notre visage, que l’on changerait difficilement ; quelques vieilles coutumes, celles qui n’ont pas voulu mourir, on ne sait trop pourquoi ; l’indéracinable individualisme « plus résistant qu’entreprenant », comme on a qualifié celui que gardent les gens de l’ouest de la France ; un manque congénital de solidarité ; l’esprit de clan par quoi la Bretagne nous aurait marqués plus que l’on ne pense d’ordinaire, et l’esprit chicanier qui est le lot de la Normandie ; un certain attrait de l’universel que nous devons au catholicisme ; la langue et des lambeaux d’architecture ; surtout le droit, qui a façonné nos biens, nos foyers et nos liens civils.

Que ces choses aient subsisté, je n’y contredis point. Mais qui ne s’inquiéterait qu’elles soient désormais vouées à une sorte d’empirisme, sous l’évocation d’un passé que nous renonçons à analyser, et sans philosophie du devenir ? N’est-ce pas le plus grand danger que nous courrions, cette absence de surveillance sur nous-mêmes, qui provient de l’ignorance où nous vivons de nos puissances ethniques et d’un détachement de plus en plus accentué des règles auxquelles notre durée devrait se soumettre ?

La langue et le goût, les deux signes auxquels je me suis arrêté, révèlent notre civilisation comme la végétation, la vigueur de la terre. Les abandonner, les négliger, c’est renoncer à notre caractère. La langue, en particulier, est le cran de notre résistance et la condition de notre survivance. Aussi longtemps que nous n’aurons pas compris cela, il n’y aura qu’à se laisser sombrer. Il faut donc restaurer la