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LE FRONT CONTRE LA VITRE

dence de notre talent, a prodigieusement reculé depuis soixante ans que la cabane a gagné nos villes. Ainsi parlait du moins un jeune abbé, épris de beauté, alors que tous deux nous nous engagions dans un des détours les plus charmants de la province, la vallée de la Yamaska. La maison de pierre subsiste, ici et là, dans nos campagnes et les yeux se posent avec délices et regret sur ce témoin de nos vertus passées, mais les dépendances, noircies par le temps, mal disposées, ne l’accompagnent plus de richesse ni de grâce. D’inénarrables boîtes carrées, au toit en cascade, jettent dans un village qui allait être joli tout entier, le désaccord de leur laideur. Dans cette architecture et dans la naïveté d’un mobilier que seule la piété nationale me retient de qualifier, on chercherait en vain une discipline de salut. La vie continue vers la mort.

Nous sommes encore français, non pas peut-être par où nous croyons l’être, mais par des traits plus enfoncés que nos réflexes attestent. Plongés depuis tant d’années dans un bouillon de culture anglo-saxon, il serait étonnant que nous n’y eussions pas laissé des bribes de notre personnalité. Nos gestes se sont guindés, soit imitation, soit condescendance, au contact de la réserve britannique. L’idée que nous avons du sens pratique, le mépris où trop souvent nous tenons l’intelligence, sont des emprunts, pas très heureux, à nos voisins. Notre parlement provincial, dont nous faisons une forteresse, est imprégné de procédure anglaise, et le jeu électoral s’accomplit à l’américaine quoique, j’en conviens, les électeurs s’en repaissent à la française.