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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

Maria Chapdelaine à l’orée des forêts du Nord et courbe sa volonté sur la tâche commune, en murmurant la chanson qui berce notre survivance : « Nous sommes venus il y a trois cents ans et nous sommes restés. Ceux qui nous ont amenés ici pourraient revenir parmi nous sans amertume et sans chagrin, car s’il est vrai que nous n’avons guère appris, assurément nous n’avons rien oublié ». Il semble que l’on entende les mots chuchoter leur propre histoire dans la mémoire des hommes. Ils sont restés, et il importe peu qu’ils n’aient guère appris.

La Société du Parler français de Québec, qui a rendu plus méthodique une enquête amorcée par des précurseurs, les retrouve intacts ou patinés d’une signification dont le temps les a revêtus. Les glossaires où reposent les parlers de France lui permettent d’éprouver nos expressions par des comparaisons qui sont le plus souvent décisives. L’enquête, close chez nous, n’est pas achevée en France : il est encore des mots qui parent notre vocabulaire et dont nous ne connaissons pas les origines quoique leur sonorité soit française. Voilà pourquoi nos philologues apportent à leurs recherches beaucoup de prudence et de discrétion, car ils n’ignorent plus l’imprévu des transformations, les filiations que le peuple féconde, les déconvenues qui guettent le purisme exagéré, gavé de grammaire et sevré de vie. Chacune des séances de la Société opère quelque rapatriement, établit des généalogies, signale les ancêtres de mots errants dont la bohême s’achève dans la légitimité.

L’exemplaire du Bulletin du Parler français de