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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

battons-nous l’anglicisme avec une sorte de hantise, biffant parfois de notre langue tout ce qui peut ressembler, fût-ce de loin, à une traduction anglaise. Peine perdue assez souvent si les deux langues ont de communes origines et des milliers de mots qui se ressemblent comme des frères ennemis, si la mode a mis en honneur, et dans chacune d’elles, des emprunts réciproques et que le temps consacre, si l’on continue, par exemple, à se servir en Écosse de chars-à-bancs qui deviennent des autocars sur les routes de France.

Nous craignons de recourir à ces nouveautés qui ne nous disent rien qui vaille à cause des nôtres, et l’on a fort justement remarqué que notre peur des anglicismes, naïve, je le veux bien, mais non sans mérite, s’étend jusqu’à ceux qui ont cours ailleurs. Une intelligence très avertie, M. Philippe Geoffrion, a suivi le conseil que donnait naguère Francisque Sarcey à un de nos puristes, de négliger les cacophonies et les bourdes pour suivre plutôt les persistances du parler ancestral : il a trouvé : demander une question dans Madame de Sévigné, arriver en temps dans Guy de Maupassant et lire sur le journal dans la Pensée et la Langue de notre éminent collègue Ferdinand Brunot ; autant d’expressions que nous repoussions parce qu’elles nous paraissaient de simples transpositions de l’anglais au français.

Vous comprendrez toutefois notre réserve et nos inquiétudes lorsque vous aurez médité l’anathème de ceux qui vouent les peuples bilingues à l’infériorité, sinon à la mort. Nous n’y croyons pas, nous met-