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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

nada français l’accent de leur origine ; nous continuons de prononcer toast ou spleen à l’anglaise, négligeant des victoires anciennes qui devraient pourtant nous ravir. Les mots héroïques qui ont fait, depuis Guillaume jusqu’à nos jours, la conquête de la Grande-Bretagne, qui furent gardés pour compte, français avant de devenir anglais, se retrouvent tout naturellement au carrefour de langues qu’est notre pays. Nous les saluons avec joie ; ce sont de vieilles connaissances que nous réinstallons au foyer, non sans malice, pourvu qu’ils gardent encore un lambeau de leur dignité première : ils sont si vieux que Remy de Gourmont lui-même, qui savait tout, s’y est trompé ; mais comment lui en vouloir d’un oubli qu’il voulut commettre afin de nous défendre ? Nous les réintégrons ; mais le peuple obstiné les répète à l’anglaise quand même, comme s’ils n’étaient plus de la famille.

C’est que nous savons l’anglais par nécessité, par conviction, peut-être par besoin de culture, sûrement par une largeur d’esprit qui ne laisse pas de nous apporter la satisfaction d’une indéniable supériorité ; et nous nous refusons à transposer des phonétiques disparates, à moins qu’il ne s’agisse d’un mot qui soit le même dans les deux langues et que nous faisons nettement français, mais en le chargeant de toutes ses acceptions anglaises : ne prenez pas tant de trouble s’entend pour « ne vous donnez pas tant de mal » ; erreur cléricale, n’a rien d’irréligieux, mais signifie erreur d’écriture ; notre indésirable a fait son entrée triomphale à Paris et sur une scène des Boulevards : nous sommes restés fidèles à club auquel la