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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

envie jusqu’à nous l’emprunter ; tout cela, évidemment, a touché « l’habitant ».

J’ai avoué le péché. Je ne l’ai pas atténué : j’ai voulu l’accuser d’un trait, le ramasser sous une forme qui ne laissât pas d’équivoque au pardon. Mais il est des circonstances atténuantes que la conscience la plus droite peut invoquer sans faiblesse. La France même, notre foyer, n’est pas sans avoir sacrifié à ce qui n’est pour elle, par bonheur, qu’une mode, le goût d’un jour. Des auteurs français ont repris notre mot d’ordre contre le même envahisseur, qui a gagné les sports, les cercles, et qui atteint, dans les couches plus profondes, la syntaxe et l’esprit. Nous n’avons aucun droit de nous en attrister, mais songez au formidable argument que cela nous offre ; plus encore, au danger que cela fait courir à notre résolution. La France est riche, sa langue est une parure et non une cuirasse ; elle peut se permettre des fantaisies que nous écartons comme un signe de mort. Nous vivons loin de l’Angleterre, mais chez elle encore, au sein d’une population dont les millions s’additionnent avec la rapidité des inventions dans le domaine scientifique. Cent vingt millions d’hommes, quel bourdonnement, grandi jusqu’à la clameur de tout ce qui se parle comme de tout ce qui s’imprime, de tous les mots anciens et de tous les mots nouveaux qu’une civilisation de quantité, de mécanisme et de découvertes, fabrique par instinct pour désigner des choses dont nous nous servons avant que la France officielle, j’entends le peuple, ne les ait nommées.