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LE FRONT CONTRE LA VITRE

et un rempart, et un peu l’âme de la France qui nous serait restée.




« L’anglicisme, voilà l’ennemi » : ce titre de brochure est devenu un mot d’ordre que les avant-postes se transmettent incessamment. L’ennemi est surtout dans la ville, où l’on ne délibère plus : brutal dans les milieux où tout est anglais, depuis l’argent jusqu’aux cerveaux, depuis la pieuvre mécanique jusqu’à l’outil que la main désigne à l’esprit ; insinuant dans les ambiances sociales ou mondaines que peuple le snobisme, l’insouciance ou l’habitude. L’horizon protège la campagne : plusieurs séjours m’en ont convaincu que j’ai rendus plus attentifs depuis votre invitation. Il est même des endroits où les mots vivent si purs que l’on interroge ceux qui les disent, pour apprendre, surtout des jeunes, qu’ils n’ont fréquenté que l’école primaire, la petite école comme nous l’appelons, blottie parfois à quelques kilomètres de la maison, et vers laquelle s’en vont les enfants, même par les froids d’hiver, tout seuls sous le ciel vibrant. Malheureusement, des infiltrations entament le roc. Le journal, bourré de traductions hâtives, du type de celles que la guerre a fait naître en France même ; la réclame nourrie d’américanismes ou rédigée par des anglais qui prétendent écrire un parisian french dont ils ne soupçonnent même pas le ridicule ; le catalogue, venu de New-York ou de Toronto, qui n’a d’autre objet que d’inscrire un prix, fût-ce au bout d’un mot ; l’automobilisme abondant et tapageur : et le cinéma que l’Europe nous