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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Elle est de France, de toute la France, car le Canada n’a pas été fondé, quelque honneur qu’il en eût d’ailleurs ressenti, uniquement par des Normands et des Bretons. Les arrivages, soigneusement relevés, ont permis à nos historiens de rattacher plus largement notre pays : le Nord, l’Ouest, le Centre, voire le Midi ont peuplé le Canada et reproduit sur son sol une image de la patrie. Chose curieuse qui ne fut pas voulue, mais qu’il est intéressant d’imaginer en refaisant l’histoire, le Canada a subi une évolution linguistique dont la courbe ressemble à celle de la France. Plusieurs des nouveaux venus parlaient le français ou l’entendaient pour l’avoir appris, d’autres n’apportaient avec eux que le langage de leur patelin, leur patois, langue romane aussi expressive, parfois plus heureuse, mais condamnée par la volonté royale à ne connaître que la liberté d’une tradition. Or, le français occupait, au Canada, le siège de l’administration et possédait la force de la loi, et c’était déjà une raison pour qu’il s’imposât, et qui eût suffi à sa généralisation si, par surcroît, la population n’avait pas été obligée de le connaître pour s’harmoniser.




Notre langue est émaillée de vieux mots « natifs du cœur de la France » ainsi que disait Henri Étienne, et de provincialismes. Les uns sont très anciens et gardent l’empreinte romane, presque latine : ils sont ensevelis dans les vieux auteurs qu’on ne lit plus guère si ce n’est à travers des notes margi-