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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

pas les accuser. Je les défendrais d’instinct, car ils perpétuent la volonté qui nous garde, si je n’avais pas acquis la conviction, à les interroger, qu’ils sont de bonne lignée, s’ils ne m’avaient pas donné la joie de se révéler français.

Le trait qui le démontre, où pourrais-je mieux le choisir que dans nos deux histoires un instant confondues ? Au début de la guerre, au moment où la Belgique décidait héroïquement du salut de l’Europe, une délégation, sous la conduite de M. Carton de Wiart, visitait Montréal, la métropole française du Canada. La foule s’était réunie au Monument national, tout près de l’endroit où le fondateur de la ville, Chomedey de Maisonneuve, avait assumé, aussi lui, il y a près de trois cents ans, l’honneur d’une mission. M. Paul Hymans, sans doute par courtoisie diplomatique, s’exprima d’abord en anglais. L’auditoire écouta avec intérêt une parole qu’il lui plaisait de comparer à celle qu’on lui sert d’ordinaire et qui n’a pas toujours la même pureté de source. Soudain, sur le seul appui d’une conjonction et sans rompre sa pensée, l’orateur, avec une aisance qui nous était une merveille et un argument, passa au français. La réaction suivit aussitôt comme un réveil d’âme : la salle vibra jusqu’au faîte ; une acclamation émue, saintement joyeuse, monta vers votre pays, premier grand blessé de la guerre ; et lorsque M. Vandervelde et M. Carton de Wiart eurent parlé, au nom de la même patrie, le pacte, depuis longtemps conclu, fut scellé dans la langue maternelle.

Ce fait, que l’expérience renouvelle au gré des amitiés françaises, est révélateur. Le Canada est