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LE FRONT CONTRE LA VITRE

qu’il a voué sa vie à l’action et que son éloquence est dans le commandement. Au tableau de la paix qui s’esquisse, il ajoute le détail de quelques souvenirs où perce, sous l’humour, une sensibilité vraie, en pointe sèche. L’auditoire, habitué à la réserve, à la surface anglo-saxonne, ne s’y trompe pas : ce tour anecdotique, malheureusement galvaudé en Amérique ou les dîners s’abandonnent à qui racontera la pire facétie, prend chez l’orateur l’allure d’un apologue où s’exprime un sentiment long à se déterminer, mais solide.

Chargé pendant la guerre d’assurer la patrouille de la Manche, il a rapporté de ses rencontres avec la marine française l’image d’une chevalerie qui ne s’est plus détachée de son esprit. Il se souvient encore : son Roi lui avait confié d’aller, en son nom, remettre une décoration à la ville de Dunkerque. La cérémonie eut lieu sur la place publique, au pied de la statue de Jean Bart, « un illustre marin de France, qui porta quelques coups aux Anglais ». Il prit place sur l’estrade, entouré d’une garde d’honneur où se mêlaient les armes des deux pays alliés. Et lorsqu’il épingla la croix sur le coussin pourpre, il lui sembla que Jean Bart souriait.

Jacques Cartier, au faîte du pont de Montréal, qui a fini par porter son nom comme une victoire, sourit aussi dans le bronze que l’on vient d’apporter de France.