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« MESSIEURS, — LE ROI ! »




D ES banquets innombrables ont marqué les étapes de la Mission française. À la fin de chacun d’eux, avant le premier cigare, cinq cents Français, debout, la coupe à la hauteur de l’épaule, ont bu imperturbablement au Roi d’Angleterre : « Messieurs, — le Roi ! » Le mot courait le long des tables comme une frange protocolaire : le Roi, the King ; the King, le Roi ; — God bless him. C’était délicieux de grâce et de bonne humeur.

Le temps, plus encore que la mer à laquelle songeait le poète grec, « purifie les maux de l’homme ». Même si nous n’y croyons qu’à moitié, nous subissons sa trêve. Les Canadiens français, ballottés entre leurs origines et leur destinée, se rendent mal aux exigences de l’oubli. Aussi attendaient-ils avec curiosité la rencontre pacifiée de la France et de l’Angleterre aux rives du Saint-Laurent, sous l’auréole de Cartier.

Un Fontenoy de fleurs. Anglais et Français s’éprenaient d’une gloire commune sans se demander trop comment elle était devenue commune. L’événement s’y prêtait : quel ombrage prendrait-on