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AU PAYS DE LA DÉCOUVERTE

« Si nous n’avons guère appris, assurément nous n’avons rien oublié », chantent les cloches de Québec à l’oreille de Maria Chapdelaine, insensible à d’autre appel qu’à la tradition. La condition de notre survivance est dans les vertus que nous avons reçues et conservées. Nous avons grandi, nous avons plus appris que ne laisse entendre Louis Hémon, nos responsabilités se sont précisées ; mais rien ne saurait suppléer, si nous voulons tenir, les forces dont la France nous a munis.

Désormais installés dans notre cadre historique, nous portons l’héritage français parmi cent millions d’hommes de sang étranger. Nous nous en sommes inquiétés. La jeunesse à son tour reprend le fertile débat. Impatiente ou fidèle, elle se rallie heureusement à l’esprit et, par l’esprit, à la culture, aux qualités d’élan, de mesure et de durée hors desquelles nous ne serions plus qu’un peuple hybride, confondu dans le creuset d’un monde dont la nouveauté est d’être informe.

L’orchestre, il y a quelques instants, jouait du Schubert. Sans y songer, il avait choisi dans la collection du bord un chant pieux, toujours à sa place dans l’atmosphère cosmopolite d’un transatlantique. La musique ni la prière n’ont, ici-bas, de patrie. Comment aurait-il soupçonné la consolation qu’il apportait à nos cœurs troublés, en les entraînant vers l’expression la plus juste de notre vie : une « symphonie inachevée ».