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ALLER ET RETOUR

vait conseillée, terre criblée de canaux, qui sont les rues du pays. Mille choses y passent dans des embarcations à fond plat : volailles, animaux de ferme, charges de légumes. Venise à Trianon. Vieux coin du Poitou. La maison du Midi, haute, à toit carré, l’envahit comme à Niort.

Et puis, racontant ma pénurie de jadis, je réclamai Rochefort-Brouage. La route jusqu’à Rochefort n’offre guère d’intérêt. Nous traversons seulement la ville, après avoir acquitté un impôt de quarante centimes qui provoque entre le chauffeur et le préposé une de ces engueulades qui font la joie des étrangers. Mes yeux, vieillis de vingt ans, ne s’y retrouvent guère. Seul, mon estomac se rajeunit vraiment à la vue des mille-feuilles baveux, mais l’heure du thé nous appelle plus loin.

Brouage est au sud, vers Marennes, au delà de l’estuaire de la Charente, qu’un virage amusant de remorqueur nous fait passer, auto, corps et biens. Le pays est plat jusqu’à la mer, en bordure basse. Une plaine, sorte de marécage récemment desséché, où percent des touffes de fortes herbes. L’aspect délabré de nos brousses de l’Ouest. Ce sont des pâturages. Voilà l’horizon que connut Champlain, qui l’emporta vers l’océan, de l’unique trait de sa ligne droite. Quelques arbres, plus jeunes que lui. Quelques villages où sans doute il passa. Au détour du chemin, une très ancienne chose, étrange, inexplicable au premier regard, une enceinte fortifiée, ramassée sur elle-même, à demi démantelée, restaurée par endroits. C’est Brouage. Des fermes et des