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AU PAYS DE LA DÉCOUVERTE

assez pour éviter les embûches dont elles sont criblées. Si nous avions su qu’on liquiderait Cartier en trois paragraphes pour s’occuper de tout autre chose le reste des discours !

Nos chanteurs pensent au concert qu’ils vont donner aux passagers. Les pauvres, ils travaillent déjà dans la salle de jeu des enfants que l’on a réservée pour leurs répétitions. C’est là que de graves personnages les écoutent et les critiquent, parmi des dessins modernes et des teddy bears à l’usage des petits. Ils chantent pour nous qui mettons en eux nos espoirs. En prêtant l’oreille, nos propres soucis se réveillent, que rapproche chaque tour d’hélice. Et c’est d’une âme unanimement inquiète que nous choisissons avec eux les chants qui nous paraissent exprimer le mieux, sans trop d’exotisme, nos traditions naïves : Gai lon la, gai le rosier ; Notre Paris et Saint-Denis ; Le laboureur ; Au bois du rossignol ; Vive la Canadienne ; À Saint-Malo, beau port de mer ; Là-bas sur ces montagnes, Du rossignol qui chante ; Les Raftmen et un Ô Canada étrange, transformé par Gautier, où passe le souffle de la Marseillaise, et qui nous enchante comme si la musique harmonisait tout à coup les émotions qui nous tourmentent.

Les concerts à bord ! Ils sont, tout le monde le sait, obligato. La recette va aux familles des marins péris en mer. Il y flotte toujours un souvenir triste qui monte de l’océan tout proche et se dilue en pitié admirative. L’exécution est pleine d’imprévu, comme les copies d’un examen auquel le hasard aurait convoqué les candidats, depuis la grande vedette