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À LA MAISON DE L’ANCÊTRE

faisante idée ! C’est que Rivard a vécu au milieu des bois sans les comprendre et que son admiration en a souffert. Il a vécu, comme nous tous, hélas ! au milieu du mystère : les arbres, les fleurs, les oiseaux ne lui disent que leur ombre, leurs parfums et leurs chants. Il ne nommerait rien de ce qui l’entoure, il ignore le pays que la Providence lui a donné ; et il comprend que le commencement de la patrie, c’est de connaître la terre où l’on vit, la terre que nous devenons lorsque la mort nous y a couchés.

L’école enseigne encore l’art ; et l’on ne saurait trop l’en féliciter puisque, par l’art, nous garderons notre physionomie ethnique. Rivard est un « artiste agricole » ainsi que Gérin-Lajoie le définit, et même un poète : il envoie quelques vers à Louise, sa fiancée ; il donne au lac voisin le nom de Lamartine ; il écoute le soir la grande voix de la forêt. Les rues de Rivardville s’animent de chansons ; les maisons sont propres, bien bâties, livrées à l’air et à la lumière, peintes de couleurs vives ; des arbres bordent les routes, les arbres que Rivard a respectés lors du défrichement. La campagne aussi s’égaie et l’on tente de lui donner ce que la ville offre de bon : le village possède une bibliothèque, il s’abonne aux journaux et aux revues, sacrifiant, toujours l’utopie, un peu de tabac et même des objets nécessaires pour payer les abonnements. Rivard n’a pas prévu le cinéma, mais on sait que Gérin-Lajoie, dès le collège, avait écrit une pièce, Le jeune Latour, et que son frère, Mgr Gérin, a fait représenter à Saint-Justin,