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À LA MAISON DE L’ANCÊTRE

du mont-de-piété pour lui-même, que ses confrères soient montés sur le banc ou que le banc soit descendu aux Champs-Élysées. Il se contente d’exister, dans la ville vers laquelle il s’est précipité, et dont la physionomie de mensonge se précise déjà, où le snobisme et le goût de paraître s’exaltent aux dépens des créanciers, où le roman d’un jeune homme pauvre est une réalité quotidienne, une aspiration sans cesse renouvelée vers d’impossibles bonheurs, où la rancœur nourrit son germe de révolte. Rivard le sait. Il prend une détermination qui est la grande leçon de l’œuvre, et qu’il faut dégager comme, dans la forêt, l’éclaircie que le bûcheron ouvre aux vivacités du jour : il ira vers la terre, il gardera la fidélité au sol, dût-il le briser de ses mains pour voir luire, sous son seul commandement, une vie nouvelle et qui soit de lui. Il cherche l’âpre satisfaction de l’indépendance fondée sur le travail ; il prend place parmi ceux qui « n’ont que Dieu pour maître », ainsi que dira plus tard Mgr Gérin ; il va vers la richesse première, source de toutes les autres, et dont la comptabilité vaut bien des éloquences. Les Cantons de l’Est, refuge du loyalisme américain, s’offrent à son énergie française : il y poursuivra la tâche traditionnelle, celle de l’ancêtre, ramifiée autour du Saint-Laurent, la prise de possession qui libère.

Le reste est un conte des mille et un jours : l’arrivée dans la forêt, la maison, le fenil fait de troncs d’arbres couchés, l’érablière qui apporte la joie d’un premier rendement, puis les blés qui cachent les souches, la moisson qui récompense. Bientôt des