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LE GRAND SILENCE BLANC

lonisation qui fit trembler nos voisins d’origine saxonne. Rome attendait. Lorsque les paroisses furent nombreuses suffisamment, le Saint-Siège tailla dans le Canada central un diocèse qui devait devenir une province ecclésiastique. Des Français ont depuis occupé le trône épiscopal. C’est pour nous une aventure connue, traditionnelle. L’église établie, le moment vint, comme autrefois dans le Québec, d’organiser la vie intellectuelle, de créer une institution propre à former une élite. Elle fut copiée sur le collège de l’Assomption, et reçut les caractères qui avaient marqué, dès longtemps, l’enseignement des humanités dans notre vieille province. L’établissement du collège Saint-Joseph — supprimons l’affreux Bytown —, la reconnaissance officielle de l’Université d’Ottawa, sont des actes qui résultent nécessairement de l’expression du peuple canadien-français.

Ceci posé, il reste que le nouveau collège jetait ses fondations en terre divisée. Mais il fallait établir un centre. Les enfants des Canadiens français de l’Outaouais n’avaient de choix qu’entre Montréal et Kingston : ils étaient trop pauvres pour se décider. Attachés au territoire ontarien, les Oblats ne pouvaient pas ignorer leurs compatriotes d’autre origine mais de même religion qui s’étaient aussi installés dans la région. Le collège fut bilingue. Était-ce une exception ? N’avons-nous pas plutôt l’habitude de ces rencontres justes dont nous tâchons de tirer le meilleur parti ? Dans la pensée des fondateurs, les nôtres seraient sauvés par un enseignement de discipline française et, munis d’une autre langue, se sentiraient plus forts et mieux armés.