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LE GRAND SILENCE BLANC

C’est qu’ils portent en eux le même viatique que les pionniers. Leur force, c’est le service de Dieu. L’hymne de renonciation que nous avons recueilli sur les lèvres des premiers Jésuites, ils le reprennent, identique : s’il se trouve des commerçants qui consentent à peiner, pourquoi les prêtres y manqueraient-ils ; — la richesse importe peu, si on a le sacrifice ; — mon Dieu, que votre volonté soit faite ! Partout, la litanie de l’offrande de soi-même, qui implore la souffrance comme une absolution.

Et pour marquer encore plus profondément les similitudes, le geste ne s’arrête pas à la bénédiction. Le missionnaire travaille, construit, colonise. Il demande sa nourriture au sol, aussi pauvre que lui. Il organise le transport sur des étendues qui dépassent celles des grands pays d’Europe. Les économistes qui raconteront la pénétration du territoire reprendront ce combat : il est épique. Ils diront les efforts de Mgr Taché, de Mgr Faraud, pour passer outre à l’abandon de la Compagnie de la Baie d’Hudson et s’engager à travers des rapides dont s’effrayait l’audace des indigènes ; pour dessiner une nouvelle route que la Compagnie empruntera à son tour pour y imposer plus tard des taux qui forceront les missionnaires à chercher encore ailleurs. Ils diront les prédications de Mgr Grouard, au Canada, aux États-Unis, en Europe, pour solliciter de l’aide, afin d’établir une scierie près du Lac Athabaska, et de construire des bateaux, le Saint-Joseph, le Saint-Alphonse, le Saint-Charles, qui transporteront les missionnaires, enfin libérés, jusqu’au fort Smith et, au-delà, jusqu’à l’Océan glacial ! Ils diront les routes ouvertes par